95 % des conductrices déclarent avoir été victimes de comportements agressifs au volant
Une vaste étude mondiale révèle le quotidien parfois hostile vécu par les femmes sur la route
À l’occasion de la Journée internationale des femmes au volant, célébrée chaque 24 juin, l’association Women’s Worldwide Car of the Year (WWCOTY) a dévoilé les résultats d’une étude inédite, menée dans 47 pays en partenariat avec le magazine tchèque Žena v autě. Le constat est sans appel : 95 % des femmes interrogées affirment avoir été confrontées à des comportements agressifs sur la route.
Cette enquête, la plus vaste jamais réalisée sur la perception de la conduite par les femmes, donne la parole à 1 879 conductrices à travers le monde, de l’Argentine à la Norvège, en passant par l’Inde, le Qatar, les États-Unis et bien sûr la France. Une initiative salutaire, dans un monde automobile encore largement dominé par une vision masculine.
La prudence en étendard
L’étude révèle d’abord les forces que les femmes reconnaissent dans leur conduite. Pour 29 % des participantes, la prudence est la première qualité évoquée. Suivre les règles de circulation est cité par 25 %, et 21 % évoquent leur réactivité ou leur conduite active. Parmi les autres atouts mis en avant, figurent une conduite fluide et prévisible (12 %), ou la capacité à effectuer plusieurs tâches en même temps – comme discuter tout en restant concentrée (11 %).
Ces chiffres montrent une approche raisonnée et respectueuse du code de la route, loin des clichés souvent véhiculés sur les femmes au volant. Mais ces mêmes conductrices n’hésitent pas à pointer leurs faiblesses : le manque de confiance dans certaines situations (26 %), les difficultés à se garer (26 %) ou la conduite dans des conditions complexes – pluie, neige, obscurité (23 %).
Une minorité d’entre elles avouent rouler trop lentement (7 %), tandis que près de 20 % estiment n’avoir aucune faiblesse particulière. Des résultats qui démontrent une capacité d’autoévaluation fine, bien loin des stéréotypes.
Une route semée d’agressivité
Mais ce sont les résultats sur les interactions avec les autres usagers qui frappent le plus. Selon l’étude, 95 % des femmes interrogées ont été confrontées à des comportements agressifs d’autres conducteurs. Parmi elles, 51 % disent vivre ces situations « très souvent », 31 % « plutôt souvent », et 13 % « parfois ».
Les formes d’agressivité les plus courantes recensées sont parlantes : conduite collée à l’arrière (15 %), tentatives de course ou de provocation (15 %), insultes ou gestes obscènes (13 %), freinages brusques (12 %) ou usage intempestif du klaxon et des appels de phares (11 %).
Même si des formes plus extrêmes – attaques physiques ou manœuvres dangereuses – restent minoritaires, leur simple présence dans une enquête de cette ampleur est symptomatique d’un climat de tension permanent.
Colère, nervosité, peur… ou indifférence ?
Face à cette agressivité, 39 % des femmes interrogées disent ressentir de la colère, 34 % avouent un sentiment de nervosité, et 14 % expriment de la peur. Seules 14 % affirment rester calmes ou ne pas se laisser affecter.
Ces chiffres démontrent l’impact émotionnel que peut avoir la conduite pour de nombreuses femmes : le simple fait de prendre le volant devient une source de stress, voire de menace, alors qu’il devrait être un acte de liberté.
Stéréotypes toujours ancrés
L’enquête s’est aussi intéressée aux représentations encore très vivaces sur les femmes conductrices. Le stéréotype numéro un ? Celui de la femme qui ne sait pas se garer – 46 % des participantes reconnaissent avoir entendu ou ressenti ce cliché.
Suivent les idées reçues selon lesquelles elles conduisent trop lentement (21 %), qu’elles s’assoient trop près du volant (14 %), qu’elles ne respectent pas le code de la route (8 %), voire qu’elles mettent les autres en danger (5 %). Un cocktail de préjugés tenaces, souvent relayés dans les sphères médiatiques, sociales ou même familiales.
Changer les regards, revendiquer le volant
La Journée internationale des femmes au volant, créée le 24 juin, n’a pas été choisie au hasard : elle correspond à l’anniversaire de l’abolition de l’interdiction faite aux femmes de conduire en Arabie Saoudite, en 2018. Cette date incarne une conquête majeure de liberté, à la fois individuelle et collective.
Comme le rappelle la WWCOTY, la mobilité est un droit fondamental, qui permet l’émancipation professionnelle, sociale, et même émotionnelle des femmes. Pour Sabina Kvasova, rédactrice en chef de Žena v autě, cette étude vise aussi à redonner confiance aux conductrices : « Nous avons analysé ce que ressentent les femmes au volant, ce qu’elles craignent et comment elles se comportent sur la route. Les résultats sont remarquables et doivent faire réfléchir. »
Roman Budský, expert en sécurité routière et conseiller de l’étude pour la plateforme Vize 0, ajoute : « Contrairement aux hommes, les femmes ne ressentent pas le besoin de compenser des insécurités derrière le volant. Les hommes, eux, utilisent parfois la conduite comme un moyen d’affirmer leur virilité. »
Une parole mondiale à amplifier
Ce qui rend cette enquête si puissante, c’est son ampleur géographique : 47 pays, tous continents confondus. Elle donne à entendre une voix universelle, celle de femmes qui partagent à la fois la passion de conduire, l’envie d’indépendance… et trop souvent, les mêmes difficultés sur la route.
Dans un monde automobile en pleine mutation – électrification, conduite autonome, partage – il est plus que jamais nécessaire d’écouter toutes les conductrices, pour construire une mobilité inclusive, sûre et respectueuse.
Et pour cela, laisser les femmes raconter leur expérience derrière le volant est un premier pas essentiel.
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