Extreme E : une belle intention, mais la course n’a pas vraiment suivi
Extreme E tire sa révérence. Après quatre saisons et un dernier rendez-vous en Arabie Saoudite, la série tout-terrain électrique, pensée pour sensibiliser aux enjeux climatiques, laisse la place à sa version hydrogène, Extreme H. L’idée était noble : courir partout dans le monde tout en limitant l’impact écologique, montrer les effets du changement climatique et promouvoir la parité hommes-femmes au plus haut niveau. Dans les faits, tout n’a pas été parfait.
Un bateau diesel et des courses sans spectateurs
Le gros point noir ? Le fameux bateau, le St Helena, ancien navire de la Royal Mail, qui servait de paddock flottant pour transporter les voitures entre les étapes de la série. Le principe était séduisant : éviter des convois de camions polluants sur des milliers de kilomètres. Sauf que le navire fonctionnait… au diesel, même à faible teneur en soufre. L’idée d’y installer un moteur électrique a été évoquée, mais n’a jamais vu le jour. Et, comme si cela ne suffisait pas, pilotes et équipes ont continué à voyager par avion, répandant CO₂ et particules fines comme dans n’importe quelle autre course.
Autre choix discutable : aucun spectateur sur place. Certes, cela a réduit l’empreinte carbone et permis d’accéder à des zones écologiquement sensibles — des plages au Chili, des forêts au Dorset — mais a aussi vidé les courses de leur atmosphère. Visionner une compétition de cross-country sans public, c’est un peu comme regarder un match de foot en plein confinement : l’action existe, mais le frisson est moindre.
Des images pour sensibiliser, mais un spectacle limité
Le côté positif ? L’attention portée aux écosystèmes locaux. Les pilotes ont vu de près les effets du changement climatique et de la perte de biodiversité, ramassant parfois des déchets sur les plages pour des photos qui, bien que peu “sexy”, ont lancé des discussions sur l’environnement auprès des fans.
Le côté négatif ? Le spectacle lui-même était parfois décevant. Peu de voitures en piste, des modèles très similaires, et un bruit… de “milk floats en colère”, comme certains l’ont décrit. Le format, avec qualifications, manches et finales, était confus pour les spectateurs. Le tout a réduit l’impact dramatique de courses qui auraient pourtant pu révéler le talent incroyable de pilotes comme Sébastien Loeb, Jenson Button ou Nasser Al-Attiyah.
La vraie réussite : la parité et les femmes pilotes
Côté positif, Extreme E a vraiment contribué à mettre en lumière des femmes pilotes talentueuses, un domaine où la course automobile reste très masculine. On pense à Jamie Chadwick, triple vainqueure de l’European Le Mans Series 2025, mais aussi à Cristina Gutiérrez Herrero (Dakar, Dacia) et Sara Price (Land Rover). Le concept de course mixte — un pilote homme et une pilote femme par voiture, avec relais en course — est maintenant repris par Extreme H, même si cette nouvelle série se limite pour l’instant à un seul événement dans sa saison inaugurale.
C’est sans doute là que réside l’héritage d’Extreme E : même si les courses n’étaient pas toujours spectaculaires et que la logistique a parfois trahi ses idéaux écologiques, la série a ouvert une porte vers une compétition plus inclusive et consciente de son impact environnemental.
Entre rêve et réalité
Extreme E montre une chose : les bonnes intentions ne suffisent pas. Entre communication, marketing et réalité logistique, il y a souvent un fossé. Le bateau diesel et les vols d’équipe rappellent que, même dans le monde de la course électrique, la transition écologique est complexe.
Mais il y a aussi des points lumineux : la sensibilisation aux problématiques environnementales, le soutien aux pilotes féminines, et l’idée qu’une série de courses puisse être pensée autrement, loin du spectacle traditionnel et de ses excès.
Si Extreme H reprend la flamme hydrogène, on espère qu’elle réussira là où Extreme E a été limité : faire rimer performance, spectacle et conscience écologique. En attendant, on retiendra de l’Extreme E une leçon essentielle : il est possible de faire de la course automobile un outil d’éducation et de changement — à condition de ne pas oublier que même les meilleures intentions doivent s’accompagner de solutions réalistes.
Il n'y a aucun commentaire
Ajoutez le vôtre