Dacia-Hipster

La petite voiture populaire pourrait renaître… grâce à Bruxelles ?

Et si l’avenir de la voiture européenne tenait dans quatre lettres : E-Car ?
C’est le nom un peu abstrait, mais porteur d’espoir, qu’Ursula von der Leyen a utilisé récemment pour désigner ce qui pourrait bien devenir la nouvelle “kei car à l’européenne” — une petite voiture électrique, légère, simple et surtout abordable. Bref, exactement ce que beaucoup de conducteurs réclament depuis des années.

Mais avant de rêver à un retour des autos populaires façon Renault 4L ou Fiat Panda, encore faut-il que Bruxelles trouve la bonne recette. Et là, tout se complique.

Quand l’Europe redécouvre le bon sens japonais

Au Japon, la mobilité du quotidien s’appuie depuis longtemps sur un concept aussi malin qu’économique : la kei car. Des voitures minuscules (3,40 m maxi), limitées en puissance et chouchoutées par la fiscalité. Elles coûtent peu, consomment peu, se garent partout et transportent des millions de Japonais.
En Europe, cette approche n’a jamais vraiment existé. La réglementation a poussé les constructeurs à fabriquer des modèles toujours plus gros, plus puissants, plus sophistiqués. Résultat : le prix moyen d’une voiture neuve dépasse désormais 28 000 euros en France. Et même les modèles dits “d’entrée de gamme” flirtent avec les 20 000 €.

L’électrification, censée rendre la mobilité plus vertueuse, a paradoxalement creusé le fossé social : elle a rendu la voiture neuve inaccessible à une large partie de la population. C’est ce constat qui pousse aujourd’hui l’Europe à s’inspirer du modèle japonais.

Ursula, Luca, et les autres

L’idée d’une E-Car européenne, ce n’est pas une lubie sortie d’un bureau bruxellois. Cela fait plusieurs années que Luca de Meo, ex-patron de Renault et ancien président de l’ACEA, en parle ouvertement : “Il faut inventer la kei car d’Europe.”
Le message semble enfin être passé. À travers le “dialogue stratégique” entre la Commission européenne et l’industrie automobile, Bruxelles reconnaît la nécessité de créer un cadre spécifique pour ce type de voiture. Stéphane Séjourné, commissaire européen à l’Industrie, a confirmé la mise en place d’un groupe de travail chargé de définir les bases techniques et réglementaires de cette future catégorie.

Une première ébauche de calendrier existe : les conclusions devraient être présentées d’ici la fin de l’année. En clair, l’idée n’est plus un rêve, c’est un dossier sur la table.

Des voitures plus simples, pour une vie plus légère

Ce qui se dessine, c’est une nouvelle famille d’autos électriques urbaines : compactes, limitées en équipements d’aide à la conduite, pensées avant tout pour les trajets du quotidien. L’idée n’est pas de brader la sécurité, mais d’adapter les règles à un usage réaliste — par exemple, exiger seulement le freinage automatique d’urgence et la détection de piétons, sans tout l’arsenal technologique imposé aux berlines haut de gamme.

Sur le plan de la sécurité passive, les crash-tests pourraient aussi être allégés, comme c’est le cas au Japon, où ces petites voitures circulent surtout en ville à faible vitesse. Bref, une auto sans excès, conçue pour rendre la mobilité électrique simple, accessible et locale.

La “Hipster” de Dacia montre la voie

C’est chez Dacia que cette idée prend déjà forme.
La marque roumaine du groupe Renault a dévoilé la Hipster, un concept qui illustre à merveille ce que pourrait être l’E-Car européenne : une mini citadine électrique, légère et pratique, dont le prix viserait moins de 15 000 euros. “Nous avons tout ce qu’il faut pour la faire”, a assuré sa récente directrice générale, Katrin Adt, bien aidée par son équipe pour pouvoir répondre.

Chez Stellantis, Gilles Vidal partage cette vision : l’Europe doit offrir une réponse crédible à la société d’aujourd’hui, qui réclame des véhicules à la fois propres, simples et désirables. Une nouvelle génération de voitures électriques “raisonnables”, loin du gigantisme des SUV à batteries.

Une carte à jouer pour les constructeurs

Derrière cette ambition se cache aussi un enjeu très stratégique.
Si Bruxelles crée une nouvelle catégorie d’homologation, ces E-Cars pourraient compter dans le calcul des émissions moyennes de CO₂ des marques. Ce serait une véritable bouffée d’oxygène pour les constructeurs, qui peinent à respecter les objectifs 2035 sans gonfler artificiellement leurs ventes de modèles chers.

En clair : la petite voiture redeviendrait une alliée, pas un handicap comptable. Et cette concession pourrait bien devenir la monnaie d’échange d’un compromis politique entre l’Europe et l’industrie automobile : maintien du cap vers le zéro émission, mais avec des règles de bon sens.

La France en première ligne

Pour une fois, la France aurait tout à gagner dans ce scénario.
Entre Renault et Stellantis, notre pays maîtrise la production de petites voitures électriques, et dispose encore d’usines capables de les fabriquer localement. Mais pour que cette équation fonctionne, il faudra aussi un cadre fiscal attractif : bonus renforcé, assurance allégée, TVA réduite, voire péages gratuits.
Car si la voiture électrique doit être populaire, elle doit aussi être populaire dans son usage. Une E-Car à 14 000 €, rechargée à la maison pour quelques euros, pourrait bien devenir le symbole d’une mobilité plus juste.

Et si c’était le vrai tournant ?

La petite voiture a longtemps fait battre le cœur de l’Europe : Fiat 500, Renault 4, Peugeot 205, Citroën 2CV, Lancia Ypsilon… Aujourd’hui, ces icônes appartiennent au passé, mais leur esprit pourrait renaître à travers cette nouvelle génération de citadines électriques.

Encore faut-il que Bruxelles ose aller au bout de l’idée.
Parce que derrière la technocratie, il y a un besoin très simple : celui de redonner à chacun le droit de se déplacer. Et ça, c’est peut-être le plus beau projet européen depuis longtemps.




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