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Quand une marque 100 % électrique cartonne… en vendant surtout de l’essence

C’est l’histoire d’une marque qui voulait électrifier l’Amérique et qui finit par redécouvrir les vertus du sans-plomb. Scout, le nouveau label “100 % électrique” du groupe Volkswagen, fait déjà un carton avant même de livrer sa première voiture. Problème : l’immense majorité de ses futurs clients ne veulent pas d’un modèle électrique. Ils préfèrent la version essence. Une ironie qui en dit long sur la transition automobile telle qu’elle se vit de l’autre côté de l’Atlantique.

Scout, le retour d’un mythe américain

Les Américains ont un faible pour les come-back. Et Volkswagen l’a bien compris. En ressuscitant Scout, une marque mythique des années 60-70 connue pour ses tout-terrain robustes, le groupe allemand espère s’offrir une image d’authentique constructeur américain, là où son ID.4 peine à séduire. L’idée semblait parfaite : du pur design de baroudeur, une vraie capacité off-road, et une motorisation 100 % électrique pour surfer sur la vague verte.

Sauf que la réalité du marché américain est plus rugueuse que les sentiers de l’Utah.

130 000 réservations… dont 100 000 pour des modèles à essence

Officiellement, Scout se présente comme une marque électrique. Mais en pratique, le constructeur proposera aussi des versions à moteur essence, en fait des hybrides à autonomie prolongée (EREV, pour Extended Range Electric Vehicle). Dans cette architecture, les roues sont toujours entraînées par des moteurs électriques, mais un petit bloc essence recharge la batterie quand elle faiblit.

Et c’est là que la magie opère : sur les 130 000 réservations enregistrées pour les modèles Terra (pick-up) et Traveler (SUV), 100 000 clients ont choisi la version essence. La “grande majorité”, selon Scott Keogh, le patron de Scout Motors, interrogé par Bloomberg.

L’Amérique, visiblement, n’est pas encore prête à couper le cordon avec le pétrole.

L’électrique, oui… mais avec des “petites roues”

Le parallèle est savoureux : Keogh compare volontiers la motorisation à essence des versions EREV à “des petites roues sur un vélo d’enfant”. Une sécurité, un filet de secours pour ceux qui ne se sentent pas encore prêts à passer à l’électrique pur. Et l’image est juste.
Car pour beaucoup d’automobilistes américains — surtout ceux vivant loin des métropoles — la peur de la panne sèche électrique reste un frein immense. L’idée de pouvoir faire le plein en cinq minutes, “au cas où”, rassure plus que n’importe quel argument écologique.

Et cela malgré le fait que, sur le papier, la version 100 % électrique de Scout offre une autonomie très correcte, grâce à des batteries LFP (lithium-fer-phosphate), réputées plus durables et moins coûteuses que les NMC classiques. Mais pour séduire le grand public, il faut plus que des cellules de batterie : il faut du temps, de la confiance et un réseau de bornes digne de ce nom.

Une transition à deux vitesses

Volkswagen n’est pas le premier à jouer cette carte. General Motors avait déjà testé des technologies similaires, tout comme Nissan avec la première génération de son SUV e-Power, où le moteur thermique servait uniquement à produire de l’électricité. L’avantage de cette solution intermédiaire, c’est qu’elle supprime les contraintes d’autonomie tout en conservant une conduite électrique fluide.

Mais c’est aussi une manière habile, presque cynique, de rendre la transition énergétique “plus digeste” pour un marché qui ne veut pas changer trop vite.
Car si l’Europe s’accroche à ses échéances de 2035 pour interdire la vente de voitures thermiques neuves, les États-Unis, eux, avancent en ordre dispersé. Certains États, comme la Californie, préparent l’après-pétrole ; d’autres, comme le Texas ou le Midwest, y voient une menace pour leur mode de vie et leur économie.

Entre pragmatisme et contradiction

Il faut reconnaître à Volkswagen une certaine lucidité : plutôt que de forcer les consommateurs à passer brutalement à l’électrique, Scout leur propose un entre-deux rassurant. Une porte d’entrée vers le monde électrique, sans les angoisses de la recharge ni les limitations de réseau.

Mais cette stratégie soulève une question vertigineuse : comment promouvoir une marque “100 % électrique” si la majorité de ses ventes provient… d’essence ?
L’argument marketing devient glissant. Difficile de revendiquer une transition verte quand le carburant fossile reste le produit d’appel.

Une parabole pour toute l’industrie

Ce paradoxe n’est pas propre à Scout. Il illustre une réalité mondiale : la demande pour l’électrique croît, mais pas au rythme espéré. Les consommateurs veulent être rassurés, accompagnés, et surtout, ils veulent conserver leur liberté de mouvement. C’est ce qui explique le succès des hybrides rechargeables — notamment en Europe — et des technologies intermédiaires.

La promesse de Scout, au fond, n’est pas de révolutionner la mobilité électrique, mais de rendre le changement acceptable. Comme un sas de décompression entre deux époques.

Et peut-être que, dans dix ans, ceux qui auront choisi un Scout à essence aujourd’hui passeront sans douleur à un Scout 100 % électrique demain.

Mais pour l’instant, la morale de l’histoire est claire : même les marques nées électriques doivent encore apprendre à parler… le langage de l’essence.




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