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Waymo débarque à New York : le pari risqué des robotaxis dans la ville la plus complexe d’Amérique

Les taxis jaunes appartiennent à l’imaginaire collectif de New York. Dans les films, les séries, les chansons, ils incarnent le rythme effréné de la métropole. Mais à l’heure de l’électrification et de l’automatisation, une nouvelle icône s’apprête à s’immiscer dans ce paysage : la voiture autonome. Waymo, pionnier des robotaxis aux États-Unis, a reçu l’autorisation de tester quelques-uns de ses véhicules dans Manhattan et Brooklyn. Une étape symbolique, mais qui ouvre de nombreuses interrogations sur la faisabilité d’un tel service dans un environnement urbain aussi exigeant.

Waymo, pionnier de la mobilité autonome

Né dans le giron de Google en 2009 sous le nom de « Self-Driving Car Project », Waymo est l’acteur le plus avancé dans la course mondiale à l’autonomie. La société, filiale d’Alphabet depuis 2016, a déjà effectué plus de 10 millions de trajets commerciaux aux États-Unis, notamment à Phoenix, San Francisco et Los Angeles.

Waymo a souvent choisi des environnements favorables pour ses déploiements : Phoenix, avec ses avenues larges et son climat ensoleillé, a servi de laboratoire grandeur nature. L’entreprise y exploite depuis 2020 un service sans chauffeur, accessible au grand public via une application dédiée. San Francisco et Los Angeles offrent des défis plus complexes — trafic dense, topographie variée — mais restent loin de la singularité new-yorkaise.

New York, le cauchemar des algorithmes

Si les ingénieurs de Waymo ont déjà relevé de nombreux défis, New York représente un cap inédit. La ville est un labyrinthe urbain, où les règles de circulation cohabitent avec l’improvisation permanente des conducteurs, des cyclistes et des piétons. Le réseau routier, marqué par des carrefours atypiques et des plans hérités d’une autre époque, laisse peu de marge d’erreur.

S’ajoutent les ponts et tunnels, véritables goulots d’étranglement qui relient Manhattan au reste de la métropole. Or, un embouteillage ou une fermeture de voie peut bouleverser instantanément la fluidité du trafic, mettant à l’épreuve les algorithmes de planification de trajet. Et contrairement à Phoenix, New York connaît des hivers rigoureux : neige, verglas, pluies abondantes viendront compliquer la tâche des capteurs et caméras.

Des tests très encadrés

Pour l’instant, la présence de Waymo restera discrète. Le Department of Transportation (DOT) de New York n’a autorisé que huit véhicules autonomes, cantonnés à Manhattan et au centre de Brooklyn. Chaque voiture sera dotée d’un conducteur de sécurité, et aucune ne pourra transporter de passagers payants.

« Avec ces règles strictes, nous voulons garantir que la sécurité prime sur l’expérimentation », a insisté Ydanis Rodriguez, commissaire du DOT. La phase pilote doit s’achever en septembre, avant une éventuelle extension.

Des Jaguar électriques transformées en robotaxis

Waymo s’appuie pour l’instant sur une flotte de Jaguar I-Pace électriques, spécialement équipées de capteurs, radars et lidars pour fonctionner sans intervention humaine. L’entreprise a commandé plusieurs milliers d’exemplaires de ce SUV, mais elle prépare déjà la diversification de sa flotte avec des modèles plus compacts, dont la Hyundai Ioniq 5.

Un enjeu crucial, car pour lancer un service commercial crédible, Waymo devra déployer des centaines de véhicules. Une poignée de voitures ne suffit pas : il faut une masse critique pour réduire les temps d’attente et éviter la frustration des usagers.

L’infrastructure, un défi colossal

Mettre en circulation des robotaxis, c’est une chose. Les maintenir opérationnels, c’en est une autre. Chaque véhicule doit être nettoyé, rechargé et inspecté après chaque service. À Phoenix, Waymo a installé des hubs logistiques capables de gérer ces opérations. À New York, où le moindre mètre carré est saturé et coûteux, trouver des espaces pour ces infrastructures relève du casse-tête.

De plus, le réseau de recharge new-yorkais n’est pas encore dimensionné pour accueillir une flotte entière de véhicules électriques fonctionnant en continu. Le déploiement commercial supposerait donc des investissements massifs, dont Waymo n’a pas encore détaillé les contours.

Les résistances sociales et politiques

L’arrivée de Waymo ne se fera pas sans opposition. La Taxi and Limousine Commission (TLC), institution puissante qui régule l’industrie des taxis et VTC, voit dans les robotaxis une menace directe pour des milliers de chauffeurs new-yorkais. L’automatisation soulève des questions sociales brûlantes : combien d’emplois seront remplacés ? Quels mécanismes de compensation seront mis en place ?

Le maire Eric Adams a accueilli Waymo avec prudence : « New York est fière de tester cette innovation, mais notre priorité restera toujours la sécurité de nos rues. » Derrière ce discours, se cache un équilibre délicat entre encouragement à l’innovation et protection des travailleurs locaux.

Une compétition acharnée

Waymo n’est pas seul sur ce créneau. General Motors a lancé Cruise, qui opère déjà à San Francisco et tente de s’implanter ailleurs malgré des revers récents, notamment un retrait forcé après des incidents. Amazon mise sur Zoox, un projet encore en phase de développement. Ford et Volkswagen avaient misé sur Argo AI, finalement abandonné en 2022.

Dans ce paysage, Waymo conserve une longueur d’avance, grâce à son ancienneté, son expertise technique et ses milliers de trajets déjà réalisés. Mais New York pourrait bien niveler les différences, tant la complexité du terrain est inédite.

Et les passagers dans tout ça ?

Pour les usagers, la promesse reste séduisante : des trajets plus sûrs, une disponibilité 24h/24 et un confort inédit. Les Jaguar I-Pace transformées par Waymo offrent une expérience haut de gamme, bien loin des Checker Marathon d’antan.

Mais pour l’instant, impossible de savoir quand les New-Yorkais pourront commander leur premier robotaxi. Waymo n’a donné aucun calendrier, ni précisé si son application serait la seule porte d’entrée, ou si des partenariats avec Uber ou Lyft seraient envisagés.

Une révolution encore suspendue

Waymo se présente comme un acteur capable de sauver des vies grâce à l’automatisation de la conduite. Et de fait, les statistiques montrent que la majorité des accidents sont liés à des erreurs humaines. Mais entre l’ambition et la réalité, il reste un gouffre.

À New York, ville de tous les contrastes, le robotaxi sera jugé sur sa capacité à cohabiter avec le chaos urbain, à gagner la confiance des passants, et à convaincre les autorités qu’il ne menace pas l’équilibre social.

Une chose est sûre : si Waymo réussit à dompter la jungle new-yorkaise, alors la voiture autonome pourra rouler partout. Mais avant ce futur, il faudra franchir de nombreux obstacles — techniques, logistiques, politiques et humains.




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