Roland-Garros : Renault monte au filet, mais l’empreinte du Lion reste indélébile
Il en faut du cran pour succéder à trente-huit ans d’un partenariat aussi emblématique que celui qui lia Peugeot à Roland-Garros. Renault a relevé le défi avec sa R5 E-Tech Electric en tenue de tennis chic. Mais quand on a grandi avec la 205 Roland-Garros dans le rétro, difficile de faire abstraction du passé.
« Service à la cuillère », manche en cuir, terre battue en surpiqûres : Roland-Garros, ce n’est pas qu’un tournoi du Grand Chelem. Pour des générations d’automobilistes, c’est aussi une griffe de style, apposée avec soin sur les carrosseries Peugeot pendant plus de trois décennies. Un partenariat historique, entamé en 1984, et qui s’est prolongé jusqu’en 2022. Trente-huit années de séries limitées aux parfums de terre battue, souvent réussies, parfois oubliées, mais toujours reconnaissables.
Alors, forcément, quand Renault s’est avancé sur le court en 2023, avec son propre contrat d’exclusivité, on a levé un sourcil. Et lorsque la Renault 5 E-Tech Electric Roland-Garros a été dévoilée au printemps 2025, le réflexe a été immédiat : cette R5 est-elle digne de porter les couleurs du tournoi de la Porte d’Auteuil ?
Le style Roland-Garros, c’était aussi une affaire de textures
Tout le monde se souvient de la 205 Roland-Garros, née en 1989, la même année que l’exploit historique de Michael Chang à Paris. Le vert anglais métallisé, les jantes de la XS, le toit ouvrant en verre fumé, les ceintures de sécurité couleur terre battue… Un style « sport chic » pensé dans les moindres détails. L’intérieur, mélange de cuir blanc et de tissu “Set”, évoquait plus le vestiaire d’un club privé que l’habitacle d’une citadine. Une version cabriolet a même vu le jour, pour celles et ceux qui rêvaient de cruiser cheveux au vent sur le périphérique avec un sac Babolat sur la banquette arrière.
Et la saga n’en est pas restée là. De la 106 à la 306, du 806 au 3008, jusqu’à la petite 108 (qui a tiré sa révérence en 2019), Peugeot a fait vivre Roland-Garros comme une vraie ligne de style. Toujours en séries limitées, toujours avec ce mélange de discrétion et de clin d’œil, entre couleurs sourdes et détails tennis – sellerie bi-ton, logos stylisés, tapis de sol brodés.
Renault change de raquette
Avec la Renault 5 E-Tech Roland-Garros, Renault prend le relais… sans chercher à copier. Adieu le vert gazon, place à des teintes plus froides : bleu nuit, gris argenté, noir, et un intérieur tout en subtilité. On note bien quelques références : levier de vitesses façon manche de raquette, sellerie inspirée des motifs de chaussures de tennis, passepoils ocre rappelant la terre battue… mais le style est plus feutré, plus discret. Presque trop.
Là où Peugeot assumait un côté un peu “show-off” façon court central en pleine canicule, Renault joue l’économie de gestes. Le logo Roland-Garros rétroéclairé côté passager est élégant, les matériaux sont flatteurs, mais l’ensemble manque peut-être de cette exubérance qui faisait le charme des anciennes « RG ». À 36 490 € (hors bonus), la série spéciale se place dans la partie haute de la gamme R5, avec un équipement complet… mais un nuancier payant qui tempère l’enthousiasme.
Une histoire de générations, pas seulement de voitures
Pour les automobilistes des années 1990 et 2000, les Peugeot Roland-Garros représentaient un idéal accessible, à mi-chemin entre la sportive urbaine et la voiture de week-end chic. On l’achetait pour sa finition, pour sa rareté, et peut-être aussi pour l’idée de partager un peu du prestige de la terre battue parisienne.
C’était un signe extérieur de bon goût, mais jamais ostentatoire. Une façon de dire « j’aime le tennis », sans en faire trop. Et surtout, ces séries spéciales étaient nombreuses, variées, parfois même déclinées en break (405, 406, 307 SW…), en monospace (806) ou en coupé-cabriolet (206 CC, 308 CC).
Renault, de son côté, parie sur une nouvelle relation avec Roland-Garros. Une page blanche, sans héritage, donc avec une plus grande liberté… mais aussi le poids de devoir inventer une tradition. Sa première tentative est propre, cohérente avec l’image actuelle de la marque et de la R5 – plus urbaine, plus design, moins nostalgique que ses rivales. Mais la question reste ouverte : le public va-t-il s’attacher à ces nouvelles « RG », comme il l’a fait avec les Peugeot ?
Après le lion, le losange peut-il marquer autant de points ?
Trente-six ans séparent la 205 Roland-Garros et la R5 E-Tech du même nom. Deux voitures radicalement différentes, à tous points de vue : motorisation (essence vs électrique), gabarit, technologies embarquées… et pourtant, un même objectif : incarner l’élégance à la française à travers le prisme du sport.
Peugeot a joué cette partition avec constance, créativité, et un vrai sens du détail. Renault démarre sa propre partition, plus discrète, peut-être plus contemporaine. Mais on n’efface pas si facilement l’empreinte de trente-huit ans de séries limitées au lion rugissant.
Le match ne fait que commencer. Service Renault, avantage Peugeot. Pour l’instant.
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