Annie-Soisbault-de-Montaigu

Annie Soisbault de Montaigu : la Grande Dame du sport automobile

Derrière les volants de Ferrari 250 GTO et 250 LM dans les années 1960, une femme intrépide a défié les conventions sociales et mécaniques de son temps. Annie Soisbault, championne de tennis devenue légende du sport automobile, incarne une liberté farouche et un pan oublié de l’histoire des femmes au volant.

Quand on évoque Annie Soisbault de Montaigu, les superlatifs s’imposent d’eux-mêmes. Audacieuse, rapide… mais surtout pionnière. Celle que tout le monde surnommait affectueusement Anì s’est imposée comme une figure emblématique du sport automobile français, à une époque où les femmes n’étaient ni attendues ni vraiment les bienvenues sur les grilles de départ.

De Wimbledon aux circuits

Née à Paris, dans le 15e arrondissement, le 8 juin 1934, Annie Soisbault grandit à l’ombre de la tour Eiffel dans un milieu bourgeois. Soutenue par son père, elle brille d’abord raquette en main. À 18 ans, elle atteint les demi-finales du tournoi junior de Wimbledon. Mais le tennis amateur des années 1950, peu lucratif et strictement encadré, ne suffit pas à assouvir sa soif de liberté.

Le déclencheur ? Un simple rallye… En 1956, elle prend part « en clandestine » au Rallye Monte-Carlo, sur la banquette arrière d’une Simca Aronde, aux côtés de deux amies. La neige s’en mêle, les difficultés s’accumulent. Elle prend le volant et impressionne au point de signer de bons chronos. Elle est classée 119e sur 233. Une révélation.

Le feu sacré

Dès lors, tout s’enchaîne. En 1957, elle s’aligne à la Mille Miglia, avec une Panhard Dyna. Abandon. Peu importe, le virus est inoculé. Elle achète un Delahaye Grand Sport, puis une Triumph TR3. Avec la cavalière Michèle Cancre, elle remporte la Coupe des Dames au Tour de France Automobile.

Mais Annie vise plus haut. En 1958, elle devient championne de France des rallyes et rejoint officiellement l’équipe Triumph. L’année suivante, elle remporte le championnat d’Europe. Elle ne s’interdit rien, pas même la monoplace. Au volant d’une Lola Mk2-Ford, elle dispute des épreuves de Formule Junior, jusqu’à se classer 12e au général à Chimay.

Ferrari, la passion rouge

C’est pourtant au volant de machines italiennes que sa légende s’écrit. En 1964, elle prend part au Tour Auto dans une Ferrari 250 GTO/64. L’exemplaire a été acquis par son mari, le marquis Philippe de Montaigu, auprès de Jacques Swaters, fondateur de l’Écurie Francorchamps.

Avec ses 300 chevaux issus du mythique V12 Colombo, la GTO est une bête de course. À Monza, Stirling Moss lui-même avait stupéfié Enzo Ferrari en signant un chrono meilleur que celui des F1 de l’époque. Lors du Tour Auto, « il Commendatore » veut rencontrer cette pilote française qui fait rugir sa berlinette. En français approximatif, il l’interroge : « Obéit-elle bien ? » Annie répond avec tact : « Il faut l’apprivoiser. Mais une fois lancée, c’est un plaisir. Elle est équilibrée, presque une danseuse, comme le dit Mike Salmon. »

Elle remporte sa catégorie, puis enchaîne avec une quatrième place aux 1 000 kilomètres de Paris en Ferrari 250 LM, associée à Guy Ligier. L’année suivante, elle alterne entre GTO et LM, mais enchaîne les abandons. Le feu sacré s’amenuise.

Une femme libre

Après quelques tentatives en rallyes longue distance — East African Safari en 1966, Paris-Saint-Raphaël en 1969 —, elle quitte la compétition. Mais pas l’automobile. Elle reprend le garage Mirabeau à Paris, alors distributeur Aston Martin. À l’heure où la DB5 triomphe au cinéma avec James Bond, Annie vend du rêve mécanique aux fortunés du 16e arrondissement.

Installée entre Paris et Saint-Tropez, elle devient une figure mondaine discrète, à la fois élégante et indépendante. Elle s’éteint le 18 septembre 2012, dans une relative indifférence médiatique.

Héritage discret, destin flamboyant

Annie Soisbault de Montaigu incarne une génération de femmes qui ont dû braver les attentes sociales et les interdits tacites pour s’imposer dans un monde d’hommes. À la fois sportive, entrepreneuse et mécène de sa propre liberté, elle appartient à cette lignée rare de femmes qui ont piloté non pas pour défier les hommes, mais pour répondre à un appel intérieur.

Aujourd’hui, alors que la place des femmes dans le sport automobile reste encore à défendre, son parcours mériterait d’être mieux connu. En attendant que son nom orne un virage, une tribune ou un trophée, il reste l’image vivace d’Anì, la grande dame du sport automobile.




Il n'y a aucun commentaire

Ajoutez le vôtre