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Jusqu’à 60 degrés dans les voitures : dans les casses auto, la canicule transforme l’acier en enfer

Alors qu’une grande partie de la France suffoque sous les vagues de chaleur estivales, certains métiers sont particulièrement exposés. Dans les casses automobiles, ce ne sont pas seulement les tôles qui chauffent : ce sont aussi les corps. Reportage dans un univers où les voitures ne roulent plus… mais où elles continuent de brûler.

On imagine souvent les casses auto comme des lieux figés, où les voitures viennent finir leur vie dans un silence métallique, entre la rouille et la poussière. Mais derrière les portails grinçants et les carcasses empilées, il y a des humains. Et quand le mercure grimpe, ce sont eux qui trinquent.

À Limoges, Jean-Pierre Lejeune gère une casse automobile avec onze salariés. Il connaît le problème par cœur : « À l’intérieur des voitures, on atteint 60 degrés. Vous ouvrez une portière, une vague de chaleur vous tombe dessus. » Et pas question de se réfugier dans l’ombre : même les hangars où sont stockées certaines pièces deviennent intenables. « Sous les combles, on ne peut pas rester plus de cinq minutes en plein été. »

Démontage sous haute température

Abdou Fahardine, magasinier, le sait bien : démonter une garniture ou retirer un rétroviseur devient un exercice périlleux sous la canicule. « Je préfère le faire le lendemain, quand il fait plus frais. C’est trop dangereux de faire ça quand l’intérieur du véhicule est brûlant. »

Dans ce métier où les gestes sont répétitifs, souvent mécaniques, la chaleur ajoute une couche d’épuisement. Chaque vis desserrée devient un effort supplémentaire. Chaque pièce récupérée se transforme en risque. « On adapte nos horaires, témoigne le patron. Normalement, on travaille jusqu’à 17h45. Mais la semaine dernière, on a dû fermer à 14h30. »

Batteries : l’autre bombe à retardement

Parmi les dangers qui guettent ces professionnels, un point critique émerge avec l’électrification croissante du parc automobile : les batteries haute tension. Mal stockées, elles deviennent des bombes à retardement. Jean-Pierre Lejeune pointe un véhicule dont la batterie a explosé. « Le vrai danger, ce sont les voitures qui arrivent avec leurs batteries encore en place. Si elles prennent feu, tout peut partir avec. »

Pour limiter les risques, huit batteries électriques sont actuellement stockées dans un hangar, soigneusement enveloppées de cellophane. « En cas d’implosion, ça soulèvera peut-être la charpente, mais le feu sera contenu. » Un bricolage certes efficace à court terme, mais révélateur d’un manque d’infrastructures adaptées à cette nouvelle réalité thermique et énergétique.

Une casse qui change d’époque

La casse auto, longtemps perçue comme un lieu à l’écart de la modernité, vit elle aussi sa transition écologique. Mais les équipements n’ont pas toujours suivi. Loin des chaînes de recyclage automatisées, les hommes et les femmes de ces entreprises familiales se battent contre des conditions de plus en plus hostiles.

Jean-Pierre Lejeune le dit sans détour : « C’est devenu invivable. On prévoit de déménager à l’automne, vers un site mieux isolé. » Car la canicule n’est plus un phénomène ponctuel : elle s’installe. Et les métiers de l’automobile doivent désormais s’adapter.

Un métier d’avenir… en mutation

On ne le dira jamais assez : le monde de la voiture ne se limite pas aux showrooms climatisés ou aux stands des salons internationaux. Il y a aussi, à l’autre bout de la chaîne, ces mains noircies par la graisse, qui démontent et recyclent, pièce par pièce, les fragments de nos mobilités passées.

Ce sont souvent des hommes, certes. Mais on voit de plus en plus de femmes entrer dans ces métiers techniques, y compris dans les casses. La chaleur extrême, les risques liés aux batteries ou aux fluides, les locaux inadaptés : tout cela touche sans distinction. Et il est urgent de repenser ces lieux à l’aune de la crise climatique.

Recycler, oui. Protéger, aussi.

Recycler les véhicules en fin de vie est indispensable pour réduire l’empreinte carbone de l’automobile. Mais cela ne peut se faire au prix de la santé de celles et ceux qui y travaillent. À l’heure où les voitures deviennent plus technologiques, plus lourdes, plus électriques… les lieux où elles sont démontées doivent eux aussi entrer dans une nouvelle ère.

L’économie circulaire, ce n’est pas seulement une belle idée à glisser dans un rapport RSE. C’est aussi une réalité concrète, qui commence dans une casse en bord de périphérie, avec un tournevis en main, à 14h sous 40 degrés.




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