Saint-Tropez en Rolls-Royce : la Riviera n’accueille que les élus
Pierre Bénichou disait régulièrement : « Si j’avais autant de billets de dix sacs que de fois où (expression vulgaire), je roulerais en Rolls-Royce blanche à Saint-Tropez… » On devine que le vieux chroniqueur de La bande à Ruquier aurait beaucoup aimé le programme imaginé par Rolls-Royce cet été : des dîners privés, des balades entre pins parasols et corniches dorées, des rencontres feutrées entre happy few et motorisations silencieuses… Le tout, entre La Réserve Ramatuelle, l’Althoff Villa Belrose et le Nikki Beach. Des noms qui sentent bon l’ombre des citronniers et les draps repassés trois fois.
La Riviera pour salon éphémère
Depuis ce 28 juillet et jusqu’au 3 août, Rolls-Royce s’est installée à Saint-Tropez comme on pose ses malles Goyard dans la suite vue mer : sans faire de bruit, mais avec toute la certitude d’être à sa place. Une collection de douze véhicules Bespoke a été déployée pour l’occasion, chacun disponible à l’essai pour les clients invités. Mais attention, on ne parle pas d’un banal test-drive sur parking goudronné. Non, chez Rolls-Royce, on essaie une voiture comme on déguste un vieux millésime : en flânant, entre deux criques, sur les lacets de la corniche, au son du mistral et du cuir Connolly.
L’objectif est clair : être là où sont déjà les clients. Le Sud, à cette époque de l’année, c’est un pèlerinage. Un passage obligé pour les familles aux prénoms doubles, les fortunes anciennes et les jeunes milliardaires qui veulent jouer aux vieux riches. Rolls-Royce ne vient pas vendre, elle vient accompagner. La voiture devient accessoire d’un art de vivre, témoin roulant d’un certain rapport au monde.
Une stratégie qui s’infiltre dans les codes
L’idée, selon Boris Weletzky, le directeur régional de Rolls-Royce pour l’Europe, est d’offrir à chaque client « la communauté, l’hospitalité et l’accès » propres à la marque, même loin de Mayfair ou de Goodwood. Une façon polie de dire que l’on n’abandonne jamais ses fidèles. Rolls-Royce ne livre pas des voitures, elle construit des relations. Et pour cultiver ces relations, rien de mieux que la lumière dorée du soir sur la Méditerranée, un dîner en terrasse avec vue sur les îles d’Hyères et quelques accords mets-vins méticuleusement choisis.
Chaque lieu sélectionné n’est pas qu’un décor : c’est un manifeste. La Réserve Ramatuelle, avec son modernisme zen et son silence à peine troublé par les cigales, correspond à une clientèle en quête d’effacement discret. La Villa Belrose, avec ses grandes terrasses et sa vue plongeante, évoque l’opulence calme d’une villa privée. C’est dans ces cocons que les rencontres se font, autour d’un verre ou d’un volant, loin de l’agitation du port.
Discrétion sous les projecteurs
La seule exception à cette pudeur bien ordonnée se trouve du côté du Nikki Beach, où Rolls-Royce organise un moment « plus festif ». Entendez : un peu de champagne, de musique, peut-être même quelques influenceurs bronzés. Il faut bien rappeler que la marque sait aussi célébrer, que ses clients ne sont pas tous des héritiers silencieux. Certains sont flamboyants, bruyants, et aiment que le monde sache qu’ils sont là. Pour eux, la Ghost noire devant le club est un signe de reconnaissance.
Mais l’essentiel du programme reste feutré : des dîners privés, des discussions autour du design, des occasions d’échanger sur l’art, l’architecture, les voyages… Une manière pour Rolls-Royce de dire : « Nous sommes la voiture des gens qui savent déjà tout ça. »
Le luxe en tant que service
Ce type d’opération illustre parfaitement l’évolution de la marque depuis une dizaine d’années. Là où d’autres constructeurs multiplient les éditions limitées à gros ailerons ou les NFT embarqués, Rolls-Royce travaille son influence autrement. En s’insérant dans le quotidien d’une clientèle ultra-privilégiée, elle se fond dans leurs habitudes. Elle devient le prolongement de leur univers. Pas besoin de panneau publicitaire : une Dawn garée à côté de la piscine vaut toutes les campagnes du monde.
Et puis, il y a toujours ce fil invisible qui relie la Côte d’Azur à l’histoire même de la marque. Sir Henry Royce, cofondateur de la maison, passait ses hivers au Canadel. Il y testait ses voitures dans les cols de la région. Cent ans plus tard, la boucle est bouclée : la Riviera reste un terrain d’expression naturelle pour Rolls-Royce. Avec moins de cambouis, certes, mais toujours autant de distinction.
Une certaine idée de l’inaccessible
Alors oui, ce programme à Saint-Tropez ne concerne qu’un microcosme. On ne vous y invitera probablement pas. Mais c’est justement cela qui en fait le sel. Le luxe n’a pas besoin d’être inclusif pour exister. Il a besoin d’être désiré, deviné, observé. Et à ce jeu-là, Rolls-Royce excelle. Elle roule lentement, elle ne fait pas de bruit, mais elle attire tous les regards.
Et si vous croisez une Rolls blanche sur la route des Salins dans les jours à venir, rappelez-vous les mots de Bénichou… Peut-être qu’il était dedans, quelque part, en train de rire d’un bon mot, un verre à la main, direction Pampelonne.
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