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La révolution des taxis autonomes prend enfin la route

Pendant longtemps, la conduite autonome a ressemblé à une promesse lointaine, un rêve de laboratoire que l’on observait de loin, avec autant de fascination que d’incrédulité. Pourtant, le véritable déclic date de 1995, lorsqu’une équipe de chercheurs de la Carnegie Mellon University sillonne près de 3 000 miles entre Pittsburgh et San Diego sans poser les mains sur le volant. Baptisée « No Hands Across America », cette odyssée inaugure une transition majeure dans l’histoire de l’automobile. Trente ans plus tard, les fruits de cette aventure sont enfin visibles : les taxis autonomes se multiplient dans les grandes villes américaines, et déjà, Londres comme Tokyo se préparent à accueillir ces nouveaux acteurs de la mobilité sur leurs routes souvent capricieuses.

Waymo, propriété d’Alphabet, mène aujourd’hui la danse avec la plus grande flotte d’autonomes au monde : 2 500 véhicules, déployés dans cinq zones urbaines majeures, d’Atlanta à Los Angeles en passant par Phoenix. Et l’entreprise prévoit de plus que doubler ce nombre l’année prochaine. Tesla, de son côté, avance sa propre vision du robotaxi, encore supervisé par un humain, mais désormais active à Austin comme à San Francisco. Quant à Zoox, la filiale d’Amazon au look futuriste et symétrique — une sorte de « pushmi-pullyu » sur roues — elle continue d’étendre ses opérations, notamment à Las Vegas.

La méfiance persiste… mais l’usage progresse

Malgré cette accélération, l’opinion publique reste partagée. Trois Américains sur quatre déclarent ne pas faire confiance aux taxis autonomes. Pourtant, cette méfiance chute drastiquement lorsqu’ils montent réellement à bord. Selon J.D. Power, la confiance grimpe de 56 points chez ceux qui ont tenté l’expérience. Ce n’est pas un détail : Waymo a dépassé en avril la barre du million d’utilisateurs actifs mensuels, un chiffre dix fois supérieur à celui d’il y a deux ans.

La dynamique attire une multitude d’acteurs, bien au-delà des pure players de la tech. Uber, Mercedes-Benz, Volkswagen, Nvidia… sans oublier l’écosystème chinois, très en pointe. Tous partagent la même intuition : le marché potentiel est colossal. Rien qu’aux États-Unis, le ride-hailing pèse 50 milliards de dollars par an. Et encore, cela ne compte ni la vente de logiciels de conduite autonome aux constructeurs, ni les applications dans le transport de marchandises ou la logistique urbaine.

L’innovation technique, clé d’un futur sans conducteur

Ce qui rend la conduite autonome si exceptionnelle, ce n’est pas la technologie en soi, mais sa capacité à évoluer dans un environnement totalement imprévisible : un cycliste hésitant, un chien imprudent, un orage soudain… rien ne ressemble à la perfection aseptisée d’une chaîne de production. Pour naviguer dans ce chaos, les robotaxis s’appuient sur un orchestre complet de capteurs : caméras, lidars, radars, microphones, le tout animé par une intelligence artificielle qui interprète et réagit en temps réel.

L’arrivée de modèles d’IA multimodaux — capables de croiser images, son et texte — a joué un rôle décisif, notamment grâce à des simulations ultraréalistes permettant de tester des millions de scénarios impossibles à rencontrer dans la vraie vie. Résultat : les performances s’améliorent nettement. Waymo assure générer 88 % de sinistres matériels en moins et 92 % de blessures en moins que les conducteurs humains. Des chiffres impossibles à ignorer… mais une confiance toujours fragile. L’accident mortel impliquant Cruise en 2023 reste un traumatisme, tout comme la gestion opaque qui a suivi.

Une équation économique encore loin d’être résolue

Même si la sécurité progresse, la rentabilité reste l’autre grand défi. Les robotaxis coûtent plus cher à fabriquer, à équiper, à entretenir et à opérer qu’un service traditionnel. Selon le Boston Consulting Group, exploiter un robotaxi revient entre 7 et 9 dollars par mile, contre 2 à 3 dollars pour un service classique et environ 1 dollar pour une voiture particulière.

Et pour l’instant, aucun opérateur n’est rentable, y compris Waymo, malgré les milliards injectés par Alphabet et ses partenaires. Le temps semble encore loin où les robotaxis seront moins chers que les taxis humains.

La solution viendra probablement d’une baisse drastique du coût des capteurs et d’un nouveau modèle opérationnel. Le prix du lidar, par exemple, est passé de 100 000 dollars à environ 1 000 dollars en quelques années. Waymo teste désormais le Hyundai Ioniq 5, bien moins coûteux qu’un Jaguar I-PACE. L’entreprise délègue aussi une partie de ses opérations quotidiennes à des spécialistes de la gestion de flotte comme Avis, preuve qu’un nouveau modèle économique se dessine.

Waymo, Tesla ou un nouvel acteur : qui gagnera la course ?

Aujourd’hui, Waymo domine technologiquement, grâce à une approche très « hardware + software ». Ses véhicules disposent de 13 caméras, 6 radars et 4 lidars — un arsenal qui lui vaut la confiance des régulateurs. Tesla, de son côté, mise uniquement sur les caméras et l’IA, dans l’espoir de créer un service plus simple et moins coûteux.

L’avenir pourrait toutefois basculer lorsque les technologies seront suffisamment matures pour être licenciées : Waymo pourrait suivre le modèle d’Android, Tesla envisage de vendre son Full Self-Driving à d’autres constructeurs. Zoox, elle, veut rester intégrée, tandis que Wayve ou Nuro préfèrent un positionnement purement logiciel.

Dans l’ombre de ces géants, Uber prépare sa revanche : en misant sur sa base de 42 millions d’utilisateurs actifs, la plateforme ambitionne de devenir l’interface incontournable pour commander un robotaxi, peu importe la marque.

Enfin, Nvidia trace le fil rouge de cette révolution : ses GPU sont partout, des simulations aux calculateurs embarqués. On ne verra jamais un « taxi Nvidia », mais la firme prendra sa part sur chaque kilomètre autonome.




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