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Airbags Takata : la contre-visite qui pourrait encore immobiliser jusqu’à 1,3 million de voitures

Le dossier Takata, que l’on croyait enlisé dans une interminable succession de rappels plus ou moins suivis, vient de franchir un nouveau cap. Cette fois, l’État a décidé de durcir très nettement le ton. À partir de l’an prochain, une nouvelle défaillance critique fera officiellement son entrée dans le cadre du contrôle technique. Sa conséquence est radicale : une interdiction immédiate de circuler, sans possibilité de temporisation ni de retour à domicile. Et le phénomène pourrait concerner, selon les estimations, jusqu’à 1,3 million de véhicules.

Un chiffre impressionnant, à la hauteur d’un scandale industriel mondial dont la dangerosité est pourtant connue depuis… 2008. Plus de quinze ans plus tard, malgré des dizaines de campagnes de rappel et une communication parfois massive des constructeurs, des centaines de milliers de voitures circulent encore avec des airbags susceptibles de se transformer en projectiles mortels.

Une décision motivée par la sécurité publique

Le principe retenu est clair : tout véhicule concerné par un “stop drive” constructeur – c’est-à-dire une interdiction formelle d’utilisation tant que l’airbag n’a pas été remplacé – et se présentant au contrôle technique sera automatiquement immobilisé. Le motif invoqué est sans ambiguïté : “Véhicule identifié par le constructeur comme présentant un risque grave pour la sécurité routière, la santé publique ou l’environnement, et dont l’utilisation aurait dû cesser immédiatement”.

Autrement dit, le contrôle technique devient un maillon actif de la chaîne de sécurité, et non plus un simple outil de diagnostic. L’objectif affiché par les pouvoirs publics est de forcer la main aux propriétaires qui, par négligence, manque d’information ou difficultés logistiques, n’ont toujours pas fait réparer leur véhicule.

Tous les véhicules ne sont pas exposés de la même façon

Dans ce vaste ensemble, certaines voitures sont jugées plus dangereuses que d’autres. Les modèles circulant en outre-mer et en Corse figurent en tête de liste. En cause : le nitrate d’ammonium utilisé dans les airbags Takata, un composé chimique particulièrement sensible à la chaleur et à l’humidité, dont la dégradation est accélérée sous les climats chauds et humides.

Par principe de précaution, les véhicules immatriculés avant 2012 en métropole sont également concernés par ces mesures de “stop drive”, même s’ils roulent dans des régions au climat plus tempéré. Résultat : le spectre de l’interdiction de circuler s’élargit considérablement.

Selon les autorités, 1,3 million de véhicules seraient encore potentiellement concernés. Un chiffre théorique, établi à partir des fichiers d’immatriculation, qui ne tient pas compte des voitures détruites, exportées ou définitivement sorties de la circulation. D’après Laurent Palmier, président du réseau Sécuritest, le nombre réel de véhicules à risque encore en circulation se situerait plutôt entre 700 000 et un peu plus d’un million. Un volume qui reste colossal. Car si Stellantis a pris des mesures fortes, en devenant la cible de tous les haters, d’autres constructeurs sont longtemps et largement restés sous les radars, mettant potentiellement en danger leurs clients pour éviter « la mauvaise pub ».

Le contrôle technique mis à contribution

Pour tenter d’identifier les derniers propriétaires “invisibles” des véhicules concernés, une nouvelle obligation entrera en vigueur au 1er janvier. Les centres de contrôle technique devront désormais collecter les données personnelles de leurs clients : nom, prénom, adresse postale, numéro de téléphone et adresse e-mail. Une mesure inédite dans l’histoire du contrôle technique français.

Ces informations seront transmises de manière cryptée à l’État, puis relayées aux constructeurs afin de mener à bien les campagnes de rappel. L’objectif est simple : ne plus laisser aucun propriétaire sans information, même lorsque les coordonnées figurant sur la carte grise sont obsolètes.

La mesure fait toutefois grincer des dents dans la profession. Certains centres redoutent de voir leur rôle se transformer en celui de “guichet administratif”, au détriment de leur cœur de métier. Laurent Palmier ironise même sur des contrôleurs devenus des “secrétariats de mairie”, s’interrogeant sur l’absence des assureurs dans le dispositif, eux qui disposent déjà de données clients à jour.

À noter que les automobilistes pourront légalement refuser de transmettre leurs coordonnées. Une possibilité prévue par les textes, mais qui interroge sur son opportunité, dès lors qu’il s’agit de rappels liés à la sécurité.

Une opération gratuite… mais encore trop lente

Rappelons un point essentiel, souvent méconnu ou sous-estimé : le remplacement des airbags Takata est intégralement gratuit pour le client. Mieux encore, les constructeurs ont l’obligation de proposer une solution de mobilité (véhicule de prêt, indemnisation, etc.) si l’immobilisation se prolonge.

Malgré cela, les réseaux des quelque trente marques concernées sont encore loin d’avoir résorbé le stock de véhicules à réparer. Les difficultés ne tiennent pas seulement à la prise de rendez-vous, mais surtout à l’identification et à la localisation des propriétaires, parfois après plusieurs changements de mains.

Entre les véhicules soumis à un arrêt immédiat et ceux qui doivent simplement passer à l’atelier, les concessions font face à une charge de travail considérable. Mais l’enjeu dépasse largement la logistique : il s’agit d’éliminer définitivement de la circulation ce que certains n’hésitent plus à qualifier de “bombes roulantes”.

Une étape décisive, mais tardive

En impliquant directement le contrôle technique, l’État franchit une étape décisive dans la gestion du scandale Takata. Une décision sévère, mais difficilement contestable au regard du nombre de blessés graves et de décès recensés à travers le monde.

Reste une question en suspens : pourquoi avoir attendu si longtemps pour actionner un levier aussi efficace ? À l’heure où la sécurité routière se joue autant sur la technologie embarquée que sur la prévention, cette nouvelle contre-visite pourrait bien marquer le début de la fin pour l’un des plus grands scandales de l’histoire automobile moderne.




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