0 km : ces marques qui immatriculent en masse leurs voitures électriques
La voiture électrique continue de gagner du terrain en France. Mais derrière les chiffres bruts d’immatriculations, une réalité plus subtile se dessine : celle des véhicules dits « 0 km », ou véhicules de démonstration. Ces voitures, immatriculées par les marques ou les concessionnaires sans avoir trouvé preneur auprès d’un client final, brouillent la lecture du marché. Et elles posent une question cruciale : qui immatricule le plus de voitures électriques « pour rien » ? Et pourquoi ?
Les démonstrations… utiles, mais à double tranchant
Sur le papier, l’immatriculation de véhicules de démonstration est un passage obligé pour toutes les marques. C’est le meilleur moyen de faire essayer un nouveau modèle à une clientèle parfois frileuse, encore plus lorsqu’il s’agit de passer à l’électrique. L’essai est un déclencheur d’achat puissant. Il permet de lever les doutes, de rassurer, de séduire. En ce sens, immatriculer des voitures électriques pour les rendre visibles et disponibles à l’essai est un levier légitime et nécessaire.
Mais cette stratégie a ses limites. Car ces véhicules « demo » finissent, tôt ou tard, par être revendus. Et lorsqu’ils le sont, c’est souvent à prix cassé, avec quelques centaines de kilomètres au compteur. Résultat : les marges des distributeurs s’effondrent, les valeurs résiduelles du modèle sont tirées vers le bas, et l’image du produit s’en trouve affectée.
Pire encore, certaines marques s’appuient massivement sur ces immatriculations internes pour gonfler artificiellement leurs chiffres de ventes, en créant un volume de stock roulant sans demande réelle. Un cercle vicieux qui nuit à la transparence du marché et affaiblit l’économie de la filière électrique.
Les champions du 0 km : un trio tricolore
En volume, ce sont les grands généralistes français qui dominent ce jeu. Sur les six premiers mois de l’année 2025, Peugeot a immatriculé 5 134 voitures 100 % électriques en « 0 km », devant Renault (3 982) et Citroën (1 967). Rien de scandaleux ici : ces trois marques sont aussi les leaders du marché électrique en France, et ont besoin d’une large flotte de démonstration pour accompagner le mouvement.
Derrière, Volkswagen et BYD ferment ce top 5 avec respectivement 1 491 et 1 489 immatriculations de démonstration. Mais c’est en regardant le poids relatif de ces 0 km dans les ventes totales que les choses deviennent plus intéressantes.
BYD, Opel et Hyundai : des taux d’auto-immatriculation alarmants
Parmi les marques ayant immatriculé plus de 1 000 voitures électriques depuis le début de l’année, c’est BYD qui affiche le taux le plus élevé d’immatriculations à 0 km : 34,4 % de ses véhicules électriques vendus en France ne sont jamais allés chez un particulier. En clair : plus d’une BYD sur trois visibles sur nos routes est encore dans le réseau, attendant un repreneur.
La situation est similaire chez Opel (33,8 %) et Hyundai (31,6 %). Ce niveau élevé témoigne d’un décalage entre les objectifs d’implantation (ou de conquête) des marques et la réalité de la demande. Les stocks s’accumulent, les concessionnaires peinent à écouler les modèles, et la seule manière d’exister dans les tableaux mensuels d’immatriculations est d’immatriculer… pour eux-mêmes.
Quand 100 % des ventes sont internes
Pire encore, certaines marques affichent des taux de 100 % d’immatriculations à 0 km. C’est le cas d’Aiways, avec 93 voitures électriques immatriculées depuis janvier, et de Mazda, avec 26 unités. Aucun client final, aucun usage réel, mais des voitures pourtant comptabilisées dans les statistiques officielles. On est là face à une pure illusion de dynamique commerciale.
L’effet boomerang du 0 km
Ces pratiques ne sont pas neutres. Car une voiture de démonstration vendue à bas prix tire mécaniquement vers le bas la valeur résiduelle du modèle. Pour un client qui envisage de financer son achat par un leasing (LLD ou LOA), cette décote anticipée peut faire gonfler les loyers. Pire : elle dévalorise la revente, pénalise les clients fidèles et brouille les repères du marché.
C’est un cercle vicieux : plus on immatricule de 0 km, plus la valeur chute, plus les ventes deviennent difficiles, plus il faut inciter avec des remises ou de nouvelles immatriculations internes.
Quelle sortie de crise ?
Le marché a besoin de démonstrateurs. Mais il faut un équilibre sain. Une part raisonnable d’immatriculations internes (autour de 10 à 15 %) peut se justifier pour animer les concessions, soutenir le lancement d’un modèle ou tester de nouveaux usages.
Au-delà, cela devient un aveu d’échec commercial ou une stratégie opportuniste de maquillage des chiffres. La voiture électrique mérite mieux que cela. Elle a besoin de confiance, de transparence et de stabilité, notamment sur le plan de la revente. Les marques doivent repenser leur modèle de distribution, et cesser de confondre visibilité et vérité du marché.
L’essai oui, l’inflation artificielle non
Chez envoiturecarine.fr, on milite pour une voiture électrique accessible, durable, et désirable. Oui, les essais sont cruciaux pour convaincre. Oui, les véhicules de démonstration ont leur place. Mais pas au prix d’une bulle artificielle de 0 km, qui fragilise le marché autant qu’elle en masque les véritables enjeux. Et encore plus pour que les médias arrêtent de s’extasier devant des volumes qui n’en sont pas…
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