Daniel Arsham met Porsche et Ferrari à l’épreuve du temps avec Arsham Auto Motive
Et si les voitures les plus iconiques de l’histoire devenaient des vestiges archéologiques ? Avec Arsham Auto Motive, Daniel Arsham brouille les frontières entre art contemporain, culture automobile et fiction temporelle. L’artiste new-yorkais dévoile une série de sculptures spectaculaires où Porsche, Ferrari et Ford semblent avoir traversé les siècles, lentement rongées par le temps.
Depuis plusieurs années, Daniel Arsham développe une signature immédiatement reconnaissable : celle d’un futur imaginé comme un passé lointain. Son langage visuel repose sur une technique qu’il qualifie lui-même de « fiction archéologique ». L’idée ? Présenter des objets contemporains comme s’ils avaient été exhumés des ruines d’une civilisation disparue. Après les baskets, les appareils photo ou les objets du quotidien, ce sont désormais les automobiles mythiques qui passent sous son regard.
Des icônes automobiles comme fossiles du futur
Arsham Auto Motive met en scène trois monuments de la culture automobile : une Ford Mustang GT Fastback, une Porsche 911 SC et une Ferrari 250 GT California Spyder. Toutes apparaissent partiellement désagrégées, comme rongées par l’érosion, laissant apparaître des cristaux de sélénite, de quartz, de pyrite ou encore des dépôts de cendres volcaniques.
Le résultat est saisissant. Ces voitures, habituellement associées à la performance, à la beauté et à l’éternité mécanique, deviennent soudain fragiles, presque vulnérables. Arsham ne cherche pas à les détruire, mais à interroger leur statut : que restera-t-il de nos objets fétiches dans plusieurs siècles ? L’automobile, symbole ultime du XXe siècle, est-elle destinée à devenir un simple artefact de musée ?
Une Ferrari qui roule… malgré l’érosion
Parmi les pièces les plus fascinantes de l’exposition, la Ferrari 250 GT California Spyder occupe une place à part. Non seulement parce qu’elle évoque immédiatement Ferris Bueller’s Day Off, film culte dans lequel ce modèle devient un symbole de liberté adolescente, mais aussi parce que la sculpture est… fonctionnelle.
Contrairement à certaines œuvres statiques, cette Ferrari peut rouler et être dirigée. Évidemment, il ne s’agit pas d’un modèle original – aujourd’hui estimé à plusieurs millions d’euros – mais de la réplique utilisée pour le tournage du film. Arsham a minutieusement démonté la voiture, moulé l’intérieur et l’extérieur, avant de les réinstaller sur le châssis d’origine, créant une œuvre à la frontière entre sculpture et machine roulante.
Ce choix n’est pas anodin. Il renforce le dialogue entre art et automobile, entre objet contemplatif et objet utilitaire. Même érodée, même figée dans une temporalité fictive, la voiture conserve son ADN de mouvement.
Une scénographie immersive
Autour des sculptures grandeur nature, l’exposition se prolonge avec des modèles à échelle réduite, présentés sur des podiums. On y retrouve notamment une autre Porsche 911 et une DMC DeLorean, clin d’œil évident à Retour vers le futur. Sur les murs, des affiches de films et des magazines automobiles apparaissent eux aussi altérés, comme s’ils avaient subi la même lente dégradation.
Cette mise en scène renforce l’idée d’un univers cohérent, presque muséal, où l’automobile devient un élément de culture au même titre que l’art ou le cinéma. Arsham ne parle pas seulement de voitures, mais de notre rapport émotionnel et mémoriel à elles.
Une Porsche 356 mise à nu
À côté des sculptures érodées, une pièce plus inattendue attire l’attention : une Porsche 356 Speedster de 1955. Ici, pas de cristaux ni de dégradation volontaire. L’artiste explique que cette voiture avait été restaurée de manière approximative par un ancien propriétaire. Il a donc choisi de la dépouiller entièrement de sa peinture pour révéler la carrosserie brute, dans son état le plus honnête.
À l’intérieur, la 356 se distingue par un habitacle en denim, confectionné à partir de vêtements de seconde main cousus ensemble. Un contraste fort entre la pureté des lignes de la Porsche et une approche presque artisanale, qui humanise l’objet et le rapproche du quotidien.
Daniel Arsham, au carrefour des disciplines
Arsham Auto Motive s’inscrit logiquement dans le parcours d’un artiste qui n’a jamais limité son champ d’expression. Cofondateur de l’agence d’architecture Snarkitecture et de la marque Objects IV Life, Daniel Arsham multiplie les collaborations avec des maisons prestigieuses : Dior, Adidas, Tiffany & Co., UNIQLO ou encore RIMOWA.
Avec cette exposition, il confirme que l’automobile est devenue un terrain d’expression artistique à part entière. Non plus seulement comme objet de design ou de performance, mais comme miroir de notre civilisation, de ses obsessions et de sa relation au temps.
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