Gambaku_Dome_of_Hiroshima

Hiroshima, avant que ce soit « tendance »

J’y suis allé en 2011. Hiroshima n’était pas encore un « spot Instagram » pour les influenceurs en quête de silence photogénique. À l’époque, on ne parlait pas encore de tourisme de la mémoire dans les guides alternatifs. Et pourtant, je savais, en y allant, que cette ville allait changer quelque chose en moi.

Hiroshima n’est pas une ville comme les autres. Elle est un symbole, un avertissement, un cri étouffé dans le béton reconstruit. On y va, parfois, presque à reculons, parce qu’on a peur de ce qu’on va y ressentir. Et on en revient, forcément différent.

Une ville vivante, une mémoire vibrante

Quand on arrive à Hiroshima, on découvre une ville moderne, agréable, baignée de lumière et bordée de rivières tranquilles. La vie y est douce. Les tramways filent en silence. Les jeunes discutent sur les bancs. Les enfants jouent dans les parcs. Mais sous cette normalité paisible, il y a une mémoire vivante.

Le Parc du Mémorial de la Paix est à la fois un lieu de recueillement, d’histoire et de pédagogie. On y circule comme dans un grand jardin silencieux, où chaque pas rapproche un peu plus de l’incompréhensible. Le dôme de Genbaku, l’un des rares bâtiments à avoir résisté à l’explosion, est figé dans le temps, vestige d’une ville soufflée en quelques secondes, le 6 août 1945 à 8 h 15.

Et puis il y a le Musée pour la paix. L’un des lieux les plus forts que j’ai visités. Il ne s’agit pas d’un musée de guerre. Il ne s’agit pas non plus de montrer des horreurs pour choquer. Il s’agit d’expliquer, de raconter, de faire comprendre. Par des objets, des lettres, des dessins d’enfants survivants, par des récits de familles disloquées. Ce n’est pas un musée à regarder. C’est un musée à ressentir.

La guerre, plus jamais comme avant

En sortant du musée, on regarde le monde autrement. On ne peut plus penser à la guerre comme à une idée abstraite, géopolitique ou stratégique. On pense aux corps, aux familles, aux visages. À la vie, à la peau, à la douleur.

On comprend que la paix n’est pas juste un état. C’est une volonté, un travail quotidien. Et que cette volonté, à Hiroshima, est incarnée de manière admirable.

Depuis des décennies, le maire d’Hiroshima écrit une lettre à chaque chef d’État responsable d’un essai nucléaire. À chaque fois. Une lettre sobre, ferme, humaine. Pour rappeler que la mémoire est vivante. Que l’histoire s’est inscrite dans la chair des survivants, les hibakusha. Et que chaque explosion souterraine ailleurs dans le monde fait trembler, symboliquement, le sol d’Hiroshima.

Avant que ce soit « à la mode »

Aujourd’hui, Hiroshima est citée dans des vidéos de voyageurs, des itinéraires de blogs, des programmes culturels de chaînes européennes. C’est bien. Il faut que les gens y aillent. Il faut que ce lieu parle au plus grand nombre.

Mais j’ai un souvenir précieux d’y avoir été avant que ce soit « tendance ». Quand ce n’était pas un détour prévu dans les circuits touristiques, quand on ne croisait que peu d’étrangers. Parce qu’on pouvait alors vivre cette visite en silence, sans distractions, sans interférences numériques. Juste soi, la ville, l’histoire, et les émotions.

Hiroshima, une ville d’avenir

Hiroshima ne vit pas dans le passé. Elle l’honore, mais elle regarde loin devant. C’est une ville tournée vers la jeunesse, vers la technologie, vers l’art. On y mange merveilleusement bien. On y croise des artistes de rue, des chercheurs en urbanisme, des enfants curieux. Et on y sent une énergie discrète, celle de ceux qui ont tout perdu, et qui ont reconstruit sans oublier.

Ce n’est pas une ville triste. C’est une ville grave, au sens noble. Une ville qui force à penser. Une ville qui oblige à ressentir. Une ville dont on ne revient pas indemne.

Pourquoi je vous en parle ici

Parce qu’il est des lieux où l’on va pour les paysages, et d’autres où l’on va pour ce qu’ils nous apprennent sur nous-mêmes. Hiroshima est de ceux-là. Il y a, dans la vie d’un voyageur, des destinations qui bousculent. Si vous avez l’occasion d’y aller, faites-le. Pas pour prendre une photo. Mais pour écouter ce que cette ville a à vous dire.

Je suis revenu d’Hiroshima avec plus de conscience.
Et je crois que c’est une bonne chose.




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