Tesla condamnée à 242 millions de dollars : un précédent judiciaire pour l’Autopilot
Pour la première fois aux États-Unis, un jury a reconnu un constructeur automobile partiellement responsable d’un accident mortel impliquant une technologie d’aide à la conduite. Tesla est condamné à verser 242 millions de dollars.
C’est un verdict historique qui pourrait marquer un tournant dans la façon dont les systèmes d’aide à la conduite sont perçus — et jugés — outre-Atlantique. Un jury populaire de Floride a conclu que Tesla était partiellement responsable d’un accident mortel survenu en 2019, impliquant une Model S équipée de l’option Autopilot. La marque d’Elon Musk est condamnée à verser 242 millions de dollars de dommages aux ayants droit des victimes.
Les faits : un accident à Key Largo
Le 25 avril 2019, à Key Largo (Floride), une Tesla Model S percute à pleine vitesse un SUV Chevrolet Tahoe dans lequel circulaient Naibel Benavides Leon et son compagnon Dillon Angulo. L’impact est fatal. Selon la plainte déposée en 2021, l’Autopilot n’a pas détecté le véhicule qui s’est engagé devant la Model S, pourtant censée être assistée dans sa conduite.
Derrière le terme « Autopilot », Tesla désigne une fonction avancée d’aide à la conduite, mais qui n’est pas une conduite autonome de niveau 3 ou 4. En clair : le conducteur doit toujours rester maître de son véhicule.
Le reproche du jury : un manque d’informations et d’avertissements
Après plusieurs jours d’audience, les huit jurés ont considéré que Tesla n’avait pas suffisamment informé les utilisateurs des limites de l’Autopilot. Selon eux, l’absence d’instructions claires a rendu la voiture « excessivement dangereuse », en particulier dans la version 2019 du logiciel, embarquée dans la Model S accidentée.
Le verdict est sans appel : sur les 328 millions de dollars de dommages attribués aux familles, 200 millions incombent à Tesla. Le reste est imputé au conducteur lui-même, également reconnu largement responsable pour excès de vitesse, inattention (il aurait tenté de récupérer son téléphone) et désactivation involontaire de l’Autopilot en appuyant sur l’accélérateur.
Une première judiciaire pour Tesla
C’est la première fois qu’un jury américain reconnaît partiellement la responsabilité d’un constructeur dans un accident lié à un système d’aide à la conduite. Jusqu’à présent, Tesla avait systématiquement évité toute condamnation en arguant que le conducteur reste responsable en toutes circonstances, comme stipulé dans les manuels d’utilisation.
Mais cette affaire met en lumière un flou entretenu entre marketing, perception et usage réel. Car si Tesla insiste officiellement sur la nécessité d’une vigilance permanente, le nom même d’« Autopilot », ainsi que les nombreuses démonstrations sans les mains relayées sur les réseaux sociaux, peuvent induire les conducteurs en erreur.
Une bataille juridique qui ne fait que commencer
Tesla a rapidement réagi au jugement en dénonçant une « erreur » qui pourrait, selon le constructeur, freiner l’innovation et la diffusion de technologies sauvant des vies. Le groupe basé à Austin a indiqué vouloir faire appel, estimant que le conducteur était seul responsable, n’ayant ni les yeux sur la route, ni le pied au bon endroit.
Dans sa défense, Tesla a insisté sur un point : Autopilot n’était pas actif au moment précis de la collision, car la pression exercée sur l’accélérateur l’avait désactivé. « Aucune voiture en 2019, et aucune aujourd’hui, n’aurait pu éviter cet accident », déclare la marque, qui dénonce une fiction « concoctée par les avocats des plaignants ».
Ce que cela change… pour nous toutes et tous
Au-delà de ce cas très américain, cette affaire soulève une question cruciale pour les conducteurs du monde entier : à quel moment un constructeur peut-il être tenu responsable de l’usage — ou du mésusage — de ses technologies ?
Dans une époque où les aides à la conduite deviennent de plus en plus complexes, parfois invisibles dans leur fonctionnement, la frontière entre l’assistance et la délégation devient floue. Et les usagers ne disposent pas toujours des connaissances ou de la vigilance nécessaires pour interpréter correctement les limites du système.
La décision du jury américain ne remet pas en cause l’idée même d’aide à la conduite. Elle interpelle plutôt sur la clarté du discours des constructeurs, sur leur devoir d’information et sur l’importance de ne jamais induire un faux sentiment de sécurité. Si Tesla est aujourd’hui au banc des accusés, ce sont tous les acteurs de l’automobile connectée qui devraient s’en inspirer pour mieux accompagner les conducteurs dans cette révolution technologique.
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