autoroute

Quel avenir pour nos autoroutes après 2032 ? Péages, privatisation ou gratuité, les scénarios possibles

À partir de 2032, un bouleversement sans précédent se prépare sur le réseau autoroutier français. Les concessions dites « historiques » – celles qui couvrent près de 90 % du linéaire – arriveront à échéance. En clair, les sociétés privées qui gèrent aujourd’hui nos grands axes (Vinci, Eiffage, Abertis) devront rendre les clés de 8 380 kilomètres d’autoroutes, sur un total de 9 200. À partir de cette date, c’est donc l’État qui redeviendra maître d’un réseau qui transporte chaque jour un quart du trafic routier national.

Une question brûle alors toutes les lèvres : qu’adviendra-t-il des péages ? Seront-ils supprimés, réduits, ou au contraire maintenus, voire renforcés ? Et surtout, qui mettra la main sur les 15 milliards d’euros collectés chaque année, dont dix payés par les automobilistes particuliers et cinq par les poids lourds ?

Le gouvernement a déjà mis le sujet sur la table, lors de la grande conférence « Ambition France Transports ». Une soixantaine d’experts, d’élus et de représentants d’usagers y ont débattu des futurs modèles. Verdict : la gratuité totale est illusoire, et l’enjeu principal sera de trouver un équilibre entre recettes publiques, acceptabilité sociale et entretien du réseau.

Voici ce qu’il pourrait se passer…

On reprend les mêmes et on recommence

C’est la solution la plus simple : reconduire le système actuel en attribuant de nouvelles concessions aux mêmes grands opérateurs privés. Après tout, le modèle mis en place depuis les années 1960 a rempli ses objectifs : le réseau français est jugé à 92 % en bon état, les 12 100 ouvrages d’art ont été correctement entretenus et aucune pénalité n’a jamais été appliquée aux concessionnaires.

Mais cette option est jugée politiquement intenable. Le modèle est aujourd’hui critiqué de toutes parts, accusé d’avoir enrichi Vinci et consorts sur le dos des automobilistes. Les fameux « trois P » – Péages, Profits, Privé – sont devenus le symbole d’un système rejeté par l’opinion publique.

La gratuité des autoroutes

C’est le scénario qui fait rêver les automobilistes, mais il est considéré comme irréaliste économiquement. La suppression des péages représenterait une perte immédiate de 10 milliards d’euros par an pour les finances publiques. À cela s’ajouterait une hausse du trafic et donc des coûts d’entretien, sans parler de l’impact environnemental.

Certes, certains pays comme l’Espagne ont déjà tenté l’expérience, mais la France n’a pas les moyens d’un tel cadeau fiscal. Le principe de l’« usager-payeur » restera la règle. Les péages, même sur des autoroutes amorties, devraient donc être maintenus.

Une piste toutefois envisagée : baisser le prix sur les tronçons les plus contestés, notamment ceux utilisés massivement pour des trajets domicile-travail, comme la barrière de Dourdan sur l’A10. Mais la gratuité généralisée reste, selon les rapporteurs, une chimère budgétaire.

De nouvelles concessions privées, mais très encadrées

Cette piste conserve les opérateurs privés, mais avec des conditions bien plus strictes :

  • des concessions plus courtes,

  • des réseaux plus petits,

  • des clauses de révision régulières pour ajuster les profits.

Avantage : l’État profiterait de l’expérience et des moyens colossaux des sociétés autoroutières, tout en évitant les excès du passé. Inconvénient : les recettes publiques resteraient limitées, et tout dépendrait de la capacité à rédiger des contrats enfin favorables à l’État.

Cette option avait la préférence des participants à la conférence, ainsi que du ministre des Transports. Mais François Bayrou a récemment pris position contre, plaidant pour un modèle plus étatique.

L’État commande, le privé opère

C’est aujourd’hui le scénario jugé le plus crédible. Il consisterait à créer un établissement public qui percevrait directement les péages et en assurerait la répartition. Le privé resterait impliqué, mais seulement comme prestataire via des marchés publics ou des concessions limitées.

Ce modèle hybride pourrait prendre plusieurs formes : une régie nationale, des plaques régionales ou encore des sociétés d’économie mixte où l’État, les régions et même les départements deviendraient actionnaires. Les péages resteraient en place, mais les bénéfices serviraient directement au financement des infrastructures (routières, ferroviaires, fluviales).

L’avantage est double : capter la manne des péages et réinvestir dans des réseaux aujourd’hui à l’abandon. Car si les autoroutes sont en bon état, les routes nationales sont en crise : 50 % seulement des chaussées sont jugées correctes et un tiers des ponts nécessitent une réparation urgente. La « dette invisible » est estimée à 2,4 milliards d’euros.

Ce que cela change pour les automobilistes

Dans tous les scénarios, une certitude se dégage : les péages ne disparaîtront pas. Même une fois les autoroutes amorties, le principe de l’usager-payeur restera la règle, au nom de l’entretien et du financement des autres réseaux.

En revanche, les automobilistes pourraient voir apparaître :

  • des baisses ciblées sur certains trajets du quotidien,

  • des évolutions tarifaires plus transparentes,

  • et, peut-être, une meilleure lisibilité de l’utilisation des recettes.

Aujourd’hui, 40 % des recettes des péages reviennent déjà à l’État via la TVA, les impôts sur les sociétés et les redevances. Mais les bénéfices des concessionnaires (4,4 milliards d’euros en 2023) attisent les critiques. À partir de 2032, l’enjeu sera de décider qui profitera du surplus estimé à 2,5 milliards par an dès 2031, et jusqu’à 8 milliards à partir de 2037.

Rien n’est joué

L’avenir des autoroutes françaises se jouera dans les mois à venir, avec un projet de loi attendu fin 2025. Les débats promettent d’être houleux, tant le sujet touche au portefeuille des automobilistes comme à la doctrine budgétaire de l’État.

Si le maintien des péages paraît inévitable, reste à savoir si l’argent sera capté par le privé, partagé avec l’État ou intégralement redistribué via une régie publique. À moins qu’une surprise électorale ne vienne tout rebattre lors de la présidentielle de 2027.

Une certitude : les automobilistes continueront à payer. Mais pour la première fois depuis soixante ans, il sera possible de décider pour quoi, et pour qui.




Il n'y a aucun commentaire

Ajoutez le vôtre