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Renault Twingo : 100 semaines de développement, prouesse technique ou posture de communication ?

En annonçant que sa future Twingo électrique a été développée en seulement 100 semaines, Renault frappe fort. La marque au losange met en avant une réduction spectaculaire des délais : deux ans au lieu des trois ou quatre nécessaires auparavant pour sortir un nouveau modèle. L’argument a de quoi impressionner : jamais Renault n’avait conçu une voiture aussi vite. Mais derrière le discours, se cache une double réalité : une évolution technologique et organisationnelle indéniable… et une stratégie de communication qui vise autant à séduire les clients qu’à envoyer un signal à la concurrence.

Une prouesse mise en scène

Présentée comme « la Renault la plus rapide jamais conçue », la Twingo EV ne se distingue pas par ses performances sur route, mais par la vitesse de son développement. Ce raccourci est volontairement provocateur : Renault veut marquer les esprits et insister sur sa capacité à s’adapter à un marché en pleine mutation. La comparaison avec les géants chinois est assumée. Face à BYD, MG ou encore Leapmotor, capables de lancer un modèle en un temps record, Renault cherche à montrer qu’un constructeur européen historique peut tenir le rythme.

Mais l’annonce a aussi un parfum de communication. Dire « deux ans » est une manière d’envoyer un message clair : Renault se réinvente. Or, dans les faits, la Twingo bénéficie de bases déjà existantes. La plateforme Ampr Small EV, inaugurée par les futures Renault 5 et Renault 4, est reconduite quasiment à l’identique. Les organes techniques et de nombreuses pièces sont communs. De quoi gagner un temps précieux, mais aussi relativiser l’idée d’un projet entièrement neuf développé à marche forcée.

Les dessous du projet Leap 100

Derrière ce calendrier resserré se cache un programme interne baptisé Leap 100, dont l’objectif est de réduire drastiquement les délais à chaque étape : –16 % sur la phase amont (planification et définition des modèles), –41 % sur le développement (design, conception technique, validation) et –26 % sur l’industrialisation (mise en production et logistique).

Les gains sont obtenus grâce à plusieurs leviers :

  • L’intelligence artificielle pour accélérer le passage des croquis aux modèles 3D.

  • La simulation numérique et les fameux « jumeaux digitaux », qui permettent de tester virtuellement un prototype dans des milliers de conditions. Renault affirme avoir réduit de plus de 50 % le nombre de modèles physiques construits.

  • Une simplification de l’offre : moins de combinaisons de peintures, d’équipements ou de variantes techniques, afin de limiter la complexité industrielle.

Ces évolutions ne sont pas exclusives à Renault, mais l’entreprise revendique une mise en œuvre systématique et rapide.

La vitesse comme argument stratégique

Pourquoi cette obsession de la vitesse ? D’abord, parce que le marché des véhicules électriques évolue à une allure vertigineuse. Les chimies de batteries changent, les standards de recharge évoluent, les attentes des clients aussi. Comme le souligne Cédric Combemorel, directeur adjoint de la technologie chez Renault, « aller vite, c’est la possibilité de prendre des décisions au dernier moment et de coller aux tendances ».

L’exemple est parlant : il y a deux ans, le choix d’une batterie lithium-NMC faisait figure de référence. Aujourd’hui, les clients demandent des batteries LFP, jugées plus durables et moins coûteuses. Réduire le cycle de développement, c’est donc se donner une chance d’intégrer ces changements en cours de route.

Communication versus réalité

Il ne faut toutefois pas perdre de vue que cette accélération a ses limites. Aucun constructeur, Renault y compris, ne peut concevoir une voiture « en un jour », comme l’évoque Combemorel sur le ton de la provocation. Entre tests de sécurité, validation des aides à la conduite, homologation et montée en cadence industrielle, certaines étapes demeurent incompressibles.

La Twingo EV sera sans doute un jalon important dans la transformation de Renault. Mais elle illustre aussi une autre réalité : celle d’un discours calibré pour rassurer les investisseurs et les clients européens, en montrant que Renault ne se laisse pas distancer par l’Asie. La petite citadine électrique à moins de 20 000 euros coche toutes les cases d’un projet vitrine : prix agressif, délais record, communication soignée.

Un futur à clarifier

Reste à voir si cette vitesse ne se fera pas au détriment d’autres aspects : qualité de fabrication, fiabilité à long terme, disponibilité des pièces. Renault assure que l’usage intensif de la simulation permet d’être « juste du premier coup », mais la réalité de la route réserve toujours des surprises.

Au-delà du cas Twingo, c’est toute l’industrie automobile européenne qui doit trouver un nouvel équilibre entre rapidité, innovation et qualité. Les Chinois ont imposé leur cadence. Les constructeurs historiques, eux, doivent démontrer qu’ils peuvent suivre sans renier leur réputation. Renault prend le pari d’y parvenir. L’histoire dira si cette « Renault la plus rapide jamais conçue » est aussi une des plus pertinentes.

En y regardant d’un peu plus près, une Lancia Ypsilon qui n’est finalement qu’une Peugeot 208 embellie n’a pas pris davantage de temps à être « conçue ». Même chose pour les produits Opel ou l’Alfa Romeo Junior. Stellantis maîtrise déjà très bien cette stratégie de développement.




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