ds_3_volant

Airbags Takata : un scandale plus vaste qu’on ne le croyait

Depuis plusieurs années, le nom de Takata est devenu synonyme de scandale dans l’industrie automobile. Le fournisseur japonais d’airbags, aujourd’hui disparu, est à l’origine du plus vaste rappel de l’histoire : plus de 100 millions de véhicules dans le monde, dont près de 2,5 millions en France. Le problème est connu : l’inflateur de l’airbag peut se détériorer avec le temps et projeter des fragments métalliques lors d’un déclenchement, transformant un dispositif de sécurité en véritable menace pour le conducteur et ses passagers.

La situation pourrait sembler sous contrôle : rappel massif, remplacement systématique, prise en charge par les constructeurs. En réalité, il n’en est rien. Comme le montre une enquête récente, le rappel Takata est tout sauf fluide. Ateliers saturés, pénurie de pièces de rechange, délais de rendez-vous à rallonge, véhicules de prêt insuffisants… Les automobilistes concernés se retrouvent parfois dans des situations ubuesques, avec la menace de ne plus pouvoir utiliser leur voiture, ni même de passer le contrôle technique.

Un casse-tête logistique pour tout le monde

Le ministère des Transports a dû intervenir pour rappeler les obligations légales des constructeurs : lorsqu’un client demande le remplacement d’un airbag, le concessionnaire doit proposer, dans un délai maximal de trois jours, une solution de mobilité gratuite — qu’il s’agisse d’un véhicule de courtoisie ou du financement d’une location — jusqu’à la réparation effective. En théorie, tout est encadré. En pratique, beaucoup de propriétaires se heurtent à un mur.

La difficulté première est d’identifier les conducteurs réellement concernés. Entre les véhicules revendus, exportés, détruits ou abandonnés, les fichiers ne sont pas toujours à jour. Selon l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), sur 100 véhicules visés par un rappel, seuls 66 appartiennent à un propriétaire identifié. Pour les autres, les constructeurs se retrouvent à courir après des fantômes.

Même lorsqu’un rendez-vous est obtenu, le chemin reste semé d’embûches : pénurie d’airbags disponibles, temps d’attente de plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et ateliers incapables d’absorber le volume colossal d’interventions. Résultat : de nombreux automobilistes roulent toujours avec un véhicule potentiellement dangereux, en espérant que leur numéro de série finira par être traité.

Le couperet du contrôle technique

Comme si cela ne suffisait pas, un projet d’arrêté prévoit qu’un véhicule concerné par un rappel critique, comme celui des airbags Takata, pourra être recalé au contrôle technique s’il n’a pas été réparé. Concrètement, un automobiliste pourrait se voir refuser le droit de circuler dès le lendemain d’un passage en centre agréé, même si son rendez-vous pour le remplacement est prévu plusieurs semaines plus tard.

L’idée est claire : forcer les propriétaires à agir rapidement et pousser les constructeurs à accélérer les réparations. Mais ce durcissement risque aussi de piéger des conducteurs de bonne foi, victimes des lenteurs administratives et logistiques d’un dispositif dont ils ne sont pas responsables.

Stellantis, bouc émissaire facile

En France, Stellantis a été le premier groupe à être violemment critiqué sur ce dossier. On lui a reproché son manque de réactivité, des délais intenables pour obtenir un rendez-vous et une communication insuffisante auprès des clients. Le groupe, qui gère plusieurs marques populaires comme Peugeot, Citroën, DS, Opel ou Fiat, a effectivement été en première ligne d’un rappel massif.

Mais avec le recul, le procès fait à Stellantis apparaît excessif. Car d’autres constructeurs, beaucoup moins attaqués jusqu’ici, ne s’activent que maintenant — deux ans plus tard — et annoncent qu’ils auront besoin d’au moins un an supplémentaire pour résoudre la crise. La responsabilité est donc collective, et non concentrée sur un seul acteur.

Un scandale bien plus large

Le vrai scandale, c’est que l’on découvre aujourd’hui l’ampleur du retard pris par de nombreux constructeurs. Alors que Stellantis était déjà engagé dans de vastes campagnes de remplacement, d’autres marques ne commencent à traiter sérieusement le problème qu’en 2025. Et la plupart préviennent que les opérations dureront jusqu’en 2026, voire au-delà.

Cela signifie que des centaines de milliers de véhicules continueront de circuler pendant encore plusieurs mois avec des airbags potentiellement mortels. Une situation d’autant plus inacceptable que certains automobilistes, soumis à l’interdiction de circuler ou confrontés à un refus au contrôle technique, se retrouvent privés de mobilité, sans solution immédiate.

Le contraste est saisissant : alors qu’on a longtemps pointé Stellantis comme le mauvais élève, la réalité montre que nombre de ses concurrents sont encore moins réactifs. Cette découverte révèle une vérité plus dérangeante : l’ensemble du secteur a failli.

Les automobilistes, éternels oubliés

Au milieu de ce chaos, ce sont les automobilistes qui trinquent. Certains voient leur voiture immobilisée sans préavis, d’autres doivent jongler entre rendez-vous annulés et délais impossibles. Les assurances elles-mêmes commencent à s’inquiéter de couvrir des véhicules qui roulent avec un dispositif de sécurité reconnu dangereux.

L’affaire Takata devait être une démonstration de transparence et de réactivité des constructeurs. Elle devient, au contraire, l’illustration d’une industrie incapable de gérer efficacement une crise mondiale, où chacun cherche à sauver son image plutôt qu’à prioriser la sécurité des conducteurs.




Il n'y a aucun commentaire

Ajoutez le vôtre